ABU, le film : Tu seras un homme, mon fils

Envoyé par ALGI en date du 23 avril 2018 à 11h48

Source : revuesequences.org Voir l'horaire de projection et la bande annonce sur cineplex.com

Résumé succinct
Par le biais de films d’archives et d’extraits de films bollywoodiens, Arshad Khan, cinéaste pakistanais homosexuel, se prononce sur sa vie et sur les relations tendues avec les membres de sa famille, de confession musulmane.

Coup de cœur
| Élie Castiel |

 ★★★★ ½

Tu seras un homme, mon fils

Quel magnifique et beau poème d’amour que cet Abu (Père en français), que le cinéaste canadien d’origine pakistanaise dédie à sa famille et plus particulièrement à son père. Vivre son homosexualité, savoir la guider à travers les méandres de l’intolérance fondamentaliste, tenter par tous les moyens de ne pas rompre avec les siens, tradition millénaire que toutes les orientations sexuelles désirent conserver. Lutter contre l’obscurantisme religieux, contre les silences qui tuent, contre les tabous qui font beaucoup plus briser que construire.

Et derrière ce constat narratif, une docufiction ou du moins c’est ce à quoi le film ressemble, des documents d’archives, des home-movies d’un âge de la vie où tout nous semble permis, où les premiers balbutiements de la différence se font sentir, mais ne s’affichent pas. Et lorsque le film poursuit son parcours, c’est comme si on assistait à un chemin de croix intérieur où les lois du sectarisme institutionnel se heurtent à l’individualité de l’Être.

Justement « être ou ne pas être », tel est la problématique où repose ce film serein malgré son sujet, apologique tout en évitant le militantisme, sincère et respectueux envers ses personnages, les membres d’une famille qui a fini par plus ou moins accepter. Car pour Arshad Khan, les réconciliations ne sont pas définitives; elles ressemblent plutôt à des enclaves, des compromis qu’on construit pour ne pas mourir en emportant ses regrets, pour éviter la peur de la haine, la perte des valeurs humaines.

Khan n’est pas seulement un cinéaste, mais un humaniste à part entière pour qui les images en mouvements sont des instruments de conscientisation sociale et politique. Car derrière le drame qui se cache dans son personnage en forme de mise en abyme, se manifeste un cri du cœur, un cri de rage aux élans politiques.

Avec un élan d’humanité suspendue, le film revendique
son titre comme la franche supplication d’un homme à son
père, pour enfin vivre en paix, pour que ce père avec qui
il a partagé des moments doux de filiation puisse enfin lui
dire qu’il sera un homme dans le meilleur des mondes possibles

Cela se voit dans une mise en scène dont les images recueillies un peu partout se mêlent audacieusement aux têtes parlantes qui n’hésitent pas un seul moment à manifester leur effacement face à un fils, à un fils qu’elles pensent, les a trahies. Et puis, prenant conscience de la caméra, quelques bons mots à son sujet. Qui explique aussi le recours à l’animation.

C’est là la principale primauté du film : déconstruire les notions du déshonneur et de l’infamie pour les transcender et les transformer en rachat, une rédemption non confessionnelle, plus proche du soi, réalisée grâce à un long et douloureux processus d’accomplissement traversé de mille et un obstacles. Avec, comme outil de persuasion, la caméra, le cinéma, art qui peut tout se permettre, jusqu’à la manipulation, la franchise, le désarroi. Abu, c’est tout cela à la fois.

Avec un élan d’humanité suspendue, le film revendique son titre comme la franche supplication d’un homme à son père, pour enfin vivre en paix, pour que ce père avec qui il a partagé des moments doux de filiation puisse enfin lui dire qu’il sera un homme dans le meilleur des mondes possibles; et plus particulièrement, pour prouver une fois pour toutes que les images en mouvement peuvent parfois être porteuses d’exutoire contre le vide de l’existence, quelle que soit notre condition sociale ou orientation sexuelle. Magnétique, essentiel, d’une sagesse philosophique exemplaire.

Sortie : vendredi 13 avril 2018
V.o. : anglais, multilingue ; s.-t.a. & s.-t.f.
Father / Père

Réalisation
Arshad Khan

Genre : Documentaire biographique – Origine : Canada / Japon / Pakistan / Arabie saoudite, Thaïlande – Année : 2017 – Durée : 1 h 20 – Dist. : Loaded Pictures.

Horaires & info.
@ Cineplex

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

Lire aussi Abu ou faire la paix avec soi et sa famille dans Fugues

 

 


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